Comme la plupart des pratiques sexuelles, le cocufiage semble à première vue une pratique érotique plutôt improbable. Pourquoi prendre plaisir à regarder son partenaire faire l'amour avec quelqu'un d'autre, peut-être même en humiliant explicitement son partenaire officiel ? Pourtant, cette pratique est connue depuis au moins 650 av. J.-C., comme le décrit Hérodote dans son récit du roi Candaule, qui élabora des complots assez élaborés pour que ses serviteurs jouissent de sa femme nue ; la signification de ce « jouir » est laissée à l'appréciation des lecteurs depuis lors. De plus, parler de sexe est souvent bien plus complexe qu'il n'y paraît.
Commençons par la définition du dictionnaire : « Cuckolding » désigne le comportement de nidification désagréable des coucous. Ces derniers ne couvent pas leurs œufs eux-mêmes, mais laissent un autre oiseau s'en charger en les glissant dans leur nid, chassant souvent la couvée habituelle pour libérer de l'espace. Ainsi, les « cuckoldresses » (ou « hotwives ») sont des femmes qui s'occupent d'un amant tout en ignorant leurs compagnons attitrés, appelés « cocus » ou « cucks » en abrégé. En raison de sa prétendue puissance sexuelle inépuisable, le mâle envahisseur est plutôt appelé « taureau ». La plupart des jeux de cocufiage suivent ces rôles genrés, mais il existe bien sûr une version féminine. Dans ce cas, la « maîtresse briseuse de ménage » est une « cocufieuse » déterminée à voler l'homme d'une « cocuquean ». D'ailleurs, cela se produit avec le consentement et la joie de tous. C'est la différence avec tout adultère ordinaire : chaque personne présente dans la scène en tire son plaisir, qui peut être un peu plus nuancé qu'il n'y paraît.
Les motivations du taureau sont les plus faciles à démêler. La plupart des taureaux sont des partenaires occasionnels, et la relation profonde dont ils manquent est contrebalancée par le plaisir de rencontres purement érotiques avec une femme plus ou moins inconnue : sans complications, sans inhibitions, beaucoup de plaisir. Ils se sentent également appréciés pour leur virilité, et parfois pour leurs talents de séducteur. Ils apprécient parfois la nouveauté d'avoir un mari, véritable majordome, qui les sert (et peut-être les sert) tant qu'ils y sont, ou qui peut le brutaliser sans vergogne si cela est prévu dans leurs règles de jeu.
Lorsqu'il s'agit d'une femme, on commence à percevoir les multiples facettes d'un jeu d'esprit comme le cocufiage. Le plaisir sexuel y joue certainement un rôle, tout comme la nouveauté… mais il y a bien plus encore. Des choses comme le frisson de se sentir désirée et capable de séduire un autre homme ; la coquinerie d'offrir un spectacle pornographique privé à son compagnon ; la malice de jouer avec sa jalousie, tout en sachant qu'il n'y a rien de sérieux derrière. Enfin, il y a un aspect plus ou moins évident de la domination érotique à prendre en compte, qui, comme nous le verrons plus loin, peut s'inscrire dans un arrangement BDSM plus large.
Enfin et surtout, le cocu est loin d'être un spectateur passif ; il en est même le centre. Comme tout « soumis », il détient le pouvoir ultime d'accepter et de donner le feu vert au jeu, et il joue souvent un rôle actif dans le choix des amants de sa compagne. Il savoure la tension qui monte avant chaque rencontre, l'aide peut-être à s'y préparer, puis s'installe à la meilleure place pour apprécier la scène. Laisser quelqu'un d'autre se charger de satisfaire sa compagne « insatiable » lui permet de ne pas craindre l'angoisse de la performance. De plus, revivre la dynamique érotique d'être le prétendant éconduit d'une femme très désirable peut le ramener à son adolescence – et au fond, chacun chérit ce sentiment de jeunesse, quoi que cela puisse signifier. Le plus important, cependant, c'est qu'il n'est pas le perdant qu'il paraît. Bien au contraire, c’est lui qui garde la fille quand le taureau a été utilisé et mis à la porte comme un jouet sexuel mis au rebut : quoi de plus valorisant qu’une telle preuve d’être plus digne qu’une flopée d’amants « parfaits » ?
Le BDSM joue souvent un rôle dans les jeux de cocufiage. Le couple sexuellement actif refuse généralement au cocu tout plaisir physique : il pourrait avoir la chance de se masturber, mais le plus souvent, c'est le cocu qui est Maintenue dans la chasteté. Outre les taquineries de base, la « hotwife » dominante peut pimenter les choses par des humiliations verbales, des demandes de soins au lit avec son amant, ou encore par des actes de complaisance. Certaines femmes demandent même à leur homme de les conduire à leurs affaires et d'attendre docilement dans la voiture qu'elles aient terminé, ou encore de sortir avec leur partenaire seul… pour le maintenir constamment excité par des messages coquins relatant leurs aventures, des photos, etc. Tout cela peut même s'inscrire dans une attitude exhibitionniste où le cocufiage est plus ou moins ouvertement déclaré ; une approche très courante consiste à exhiber fièrement la clé de son dispositif de chasteté sur une chaîne autour de son cou ou de sa cheville, pour le plus grand plaisir de tous.
Le cocufiage, comme beaucoup de jeux sexuels, a tendance à gagner et à décroître en popularité, selon la mode du moment en matière de pornographie. Très peu de couples en font un véritable mode de vie, tandis que la plupart le considèrent comme une simple variante de leur répertoire, ce qui contribue également à réduire les risques de dysfonctionnement. Des accidents inattendus peuvent survenir : une véritable histoire d'amour entre la cocufieuse et le mâle, par exemple, ou une crise d'estime de soi soudaine chez le cocufié. Certains « tiers » peuvent même prendre le fantasme de la destruction de ménage trop au pied de la lettre et tenter de séparer le couple pour le plaisir. C'est loin d'être fréquent, mais il serait judicieux d'aborder tous les problèmes et éventualités possibles avant de se lancer dans un jeu aussi exigeant émotionnellement. Comme toujours, le consentement actif de tous les partenaires est primordial.















